Cet article je l'ai en fait écris juste après le skidive, pour avoir les sensations à chaud et surtout les souvenirs encore frais:
Après l’auto-stop et le wwoofing, le saut en parachute (skydive) est une autre expérience phare de la Nouvelle-Zélande. Tout le monde vous dira que c’est un truc à faire ici … si vous en avez les moyens !
Je ne compte plus le nombre de personne que j’ai croisé dans les backpackers arborant fièrement leurs T-shirts ou sweat-shirt « Skydive Taupo/Wanaka/Queenstown/Auckland/Franz Josef, etc »
Seb l’a fait à Wanaka et Chrisi l’avait fait quand on était ensemble à Franz Josef et depuis ce jour, l’idée de le faire aussi s’était immiscée dans mon cerveau. Rien de plus qu’une vague idée, je me disais que peut être un jour il faudrait que j’essai. Mais ça pouvait bien attendre encore quelques années et se faire en France. Mais comme disait je ne sais plus qui, une fois qu’on a planté une idée dans un cerveau, elle commence à pousser et à germer.
Après avoir repoussé les limites de mon vertige en traversant des ponts de singe, grimpant aux sommets de chutes d’eau ou sur les crêtes des montagnes, je me suis dit qu’il serait bien de terminer en beauté par un skydive !
Quoiqu’un saut en parachute n’a justement rien à voir avec le vertige. J’ai toujours dit que je serais capable de sauter en parachute mais pas à l’élastique (encore une autre activité très prisée en Nouvelle-Zélande) pour la simple et bonne raison que pour avoir le vertige il faut avoir les pieds reliés au sol.
J’ai attendu la fin de mon séjour que l’idée mûrisse bien et surtout pour voir en fonction des finances parce que skydiver ça coûte plus cher que de nager avec les dauphins, c’est même souvent plus cher qu’un tatouage !
Donc, puisqu’avec Seb on est de retour à Taupo, lui veut refaire le Tongariro Alpine Crossing car il n’avait pas eu un super temps la première fois, moi j’en profite pour skydiver.
D’après la météo, le vendredi 24 avril sera une belle journée pour se jeter d’un avion ou traverser des volcans.
Pour la réservation, je dois choisir à quelle hauteur je veux sauter : soit 3600m, soit 4500m.
Bon, quitte à sauter autant le faire bien : je choisis 4500m.
Chrisi et Seb ont aussi sauté de cette altitude et je me souviens que Lucie m’avait dit qu’à 4500m la chute libre durait plus longtemps ce qui donnait donc le temps de voir un peu les alentours car pendant les premières secondes le cerveau est trop stressé pour apprécier le paysage.
Par contre vu le prix (339$), je ne prends pas les extra photos ou DVD car là le prix passe directement à la centaine du dessus. En plus je ne vais ressembler à rien sur ces photos, j’aurai soit peur, soit la figure déformée par l’air !
Enfin bref, la veille je n’ai pas trop mal dormis. Le jour J je mange un léger petit-dej, je vide tout ce qu’il est possible de vider pour ne pas avoir honte en cas de stress extrême, je me met 15 fois du déo parce que c’est sûr, je vais suer de peur et je me rend au point de rendez-vous pour être prise par une limousine (surement ma première et dernière fois dans une limousine) qui nous emmène à l’aérodrome. Dans mon groupe il n’y a que des filles! On nous faire remplir un papier avec les éternels noms/nationalité/date de naissance/personne à contacter en cas de problème. Ensuite on est pesé (comment ça 63kg ? C’est pas parce que que j’ai fait des rando que j’ai maigris, au contraire !) et on doit signer le tout après avoir lu et accepter les mise en garde : le skydive c’est dangereux, on peut être blesser et/ou mourir et d’après les loi Néo-Zélandaise on ne pourra pas poursuivre en justice la compagnie, etc ….
La nage avec les dauphins c’était quand même moins flippant !
Ensuite on nous amène dans la salle vidéo où un type nous explique ce qu’il va se passer ensuite, le tout avec beaucoup d’humour pour nous détendre un peu parce qu’on est bien silencieux.
_ « Si vous voyiez vos têtes! Ce sera encore plus drôle quand vous serez assis sur le rebord de l’avion avec les jambes dans le vide ! C’est votre premier skydive et c’est une expression que vous ne ferez qu’à cet instant ! »
Il nous montre alors une vidéo promotionnelle pour qu’on sache ce qui nous attend puis une vidéo sur les consignes de sécurité.
Après on va dans le hangar pour enfiler notre combinaison, passer les harnais, mettre notre bonnet avec lunettes qui nous font ressembler à des aviateurs des années 50’s.
Et puis on attend un bon moment. On voit les atterrissages des sauteurs avant nous (quelques garçons mais la majorité sont des filles). On vient nous ajuster les harnais. On attend encore. Et puis nos instructeurs arrivent et nous appelle les unes après les autres.
Le mien s’appelle Herb, c’est un maori à dreads de, je pense, bientôt la quarantaine. Il ressemble un peu à Yannick Noah.
Voici donc la personne, que je ne connais absolument pas, à qui je vais être accroché pendant 20 minutes et à qui je fais une confiance absolue en remettant littéralement ma vie entre ses mains.
Il revérifie mes harnais.
_ « Ça va ? Comment tu te sens ? » me demande-t-il.
_ « Ca va… »
_ « Tu viens d’où ? »
_ « De France. »
_ « Aaah ! Ça va, ça va !? » dit-il en français.
_ « Haha, oui c’est ça, « ça va, ça va. » »
On monte dans le petit van qui nous emmène sur la piste. Là on attend encore, on voit d’autres parachutes descendre et puis l’avion arrive.
C’est un tout petit avion mais ce n’est pas l’avion rose de la compagnie Skydive Taupo, c’est l’avion jaune de la compagnie concurrente.
Herb me fait monter juste après lui, on est les premier, ça veut dire qu’on va être les derniers à sauter. On est assis à côté du pilote en faisant face à l’arrière de l’avion. On est 15 avec le pilote, je suis compressé entre deux instructeurs. Il me dit que le vol va durer 15-20 minutes, j’ai juste à me relaxer et regarder le paysage. Je lui demande pourquoi on vole dans l’avion de la compagnie concurrente.
_ « Oh, c’est parce que le notre est au fond du lac ! » me répond-il.
J’éclate de rire.
_ « Ah oui c’est vrai, j’ai entendu parler de ça ! »
En effet, le 7 janvier 2015, l’avion de Skydive Taupo s’est abimé dans le lac à la suite d’une défaillance du moteur. Heureusement (et dans un sens évidemment) il n’y a pas eu de blessés puisque de toute façon, tout le monde dans cet avion s’apprêtait à sauter (à part le pilote mais je suppose qu’il était aussi formé aux manœuvres d’évacuation d’urgence).
_ « Ca va ? »
_ « Ouais… bizarrement oui. Je dois être un peu engourdie »
_ « Dis-donc, il est un peu lâche ton harnais au niveau des épaules ! »
_ « Oui je trouve aussi »
_ « Je vais resserrer ça plus tard. »
_ « Avant qu’on saute ça m’arrangerai. »
A la moitié du vol on passe les masques à oxygène. Herb me fait assoir sur ses genoux et commence à nous attacher l’un à l’autre bien serré. Je me trouvais serré dans cet avion mais là je peux carrément sentir sa respiration et son cœur dans mon dos. Ca va, je suis bien attachée.
On est à 3500m. L’instructeur à l’arrière ouvre la porte et les premiers commencent à sauter. On sent l’avion devenir plus léger. Une des filles a pris l’option « Freefall DVD et photo » c’est-à-dire qu’en plus de son instructeur attaché à elle comme un sac à dos, un autre mec avec une GoPro fixée sur le casque saute avant elle pour la filmer. Ce qui est très impressionnant c’est que le cameraman sort avant elle et se tient à la porte de l’avion pour la filmer quand elle sautera. Ca fait vraiment bizarre de voir ce type dans le vide, accroché à l’avion.
On monte encore.
Malgré le masque à oxygène je respire difficilement, je ne sais pas si c’est à cause du stress, du manque d’air ou des deux. Herb doit le sentir et me prend les mains, elles sont gelées.
_ « On va bientôt se rapprocher de la porte. Tiens-toi à tes sangles au niveau de tes épaules, laisse pendre tes jambes dans le vide et relève ta tête sur mes épaules, ne regarde pas en bas. On va sauter, garde la position, je taperai ensuite sur ton épaule quand tu pourras ouvrir les bras. Rappelle-toi, laisse toi porter, ton corps doit avoir la forme d’une banane, les pieds en l’air, le dos vouté. Pense à la banane. »
Je pensais que ces quelques secondes assise sur e bord de l’avion allait être les pires mais ça s’est plutôt bien passé.
On s’est donc avancé vers la porte. Je n’ai pas eu de mouvement de recul ou une terrible envie de pisser (ou pire), je ne me suis pas simplement laissé pousser : j’ai avancé aussi. Il m’a assise sur le rebord de la porte, là honnêtement je ne me souviens pas trop, j’ai pas regardé en bas.
Et puis on a basculé en avant et je me suis sentie tomber.
Là encore c’est très confus. J’ai le souvenir de la sensation de vraiment chuter comme une pierre. Plus rien ne me retient et je fonce comme une météorite vers le sol.
Il parait qu’en chute libre on fait du 200km/h.
Je crois que je n’ai pas crié trop fort, j’ai dû faire un « WOOOOAAA !!! » avec les yeux exorbités et les mains agrippées aux sangles, mais honnêtement je ne me souviens pas trop, juste que j’avais surement la bouche ouverte puisque je me souviens bien de tout cet air qui s’y engouffre et me la déforme.
On me tape sur l’épaule, on doit être en bonne position, j’ouvre les bras. On va très vite. Je pense à la position banane, je crois que c’est bon. Malgré les lunettes j’ai la vue qui se trouble, mes lentilles tiennent difficilement en place. La vue… Mon cerveau recommence à fonctionner, je me souviens qu’en sautant à cette hauteur on peut voir les côtes ouest et nord de la Nouvelle-Zélande, il faut que j’essaie de voir ça quand même ! Mais c’est trop tard, on est déjà trop bas. Je voulais voir aussi le Taranaki mais je suis perdue, je ne sais pas où il est et ça va trop vite. En tout cas je vois le Tongariro et le Mt Doom, je pense à Seba qui est là-bas.
Herb me demande avec ses mains si ça va. Nickel, je lui fais le signe des métalleux avec l’index et l’auriculaire levés « Hell Yeah ! » Je sens l’air qui déforme mon visage. Je regarde le sol, on a l’impression de regarder Google Maps avec la mise au point qui devient de plus en plus nette.
Soudain je me sens violemment tiré en arrière, mes jambes remontent en position assise : Il a sorti le parachute. DEJA ? La chute libre devait durer une minute en sautant à 4500m, j’ai pas l’impression que ça fait déjà une minute… mon cerveau a vraiment dû buguer au début.
On descend maintenant doucement à la verticale, je garde les mains sur les sangles, comme si je portais un sac à dos. Lorsqu’on tourne la sensation est bizarre, je fais des petit « wow » à chaque fois. Et puis je ne sais plus quand, j’ai commencé à avoir mal aux oreilles à cause de la pression, pas trop au début puis de plus en plus. On passe sous les nuages.
J’ai beaucoup regardé mes pieds. J’aurai pu regarder un peu plus autour mais j’étais hypnotisée par mes pieds suspendu dans le vide.
_ « Je vais te libérer un peu maintenant » dit-il tandis qu’il donne un peu de lest aux sangles qui nous retiennent l’un à l’autre.
Je sens que je me détache légèrement de lui, c'est pas hyper réconfortant de se sentir dégrafé au milieu de rien.
_ « Nan mais j’étais bien moi attaché serré… »
Ca le fait rire.
Les voitures grossissent. Je regarde encore le Tongariro. Bordel, j’ai mal aux oreilles ! Je vois l’aérodrome. La piste se rapproche de plus en plus mais j’ai toujours autant mal aux oreilles, je pensais qu’avec la baisse d’altitude ça irait mieux. Je sens l’air qui se réchauffe. La descente en parachute m’a paru bien rapide aussi.
_ « Lève les jambes. »
Et pouf, j’atterrie sur les fesses d’un coup et en douceur.
_ « Wouh ! »
Je me rends compte que j’ai perdu une lentille en vol. Herb me dit de me boucher le nez et de souffler et d’aller boire de l’eau pour déboucher mes oreilles. Serrage de mains et petite accolade en remerciement et je quitte la piste.
_ « Merci ! » me crie-t-il en français alors que je m’éloigne.
Je fais comme il m’a dit et souffle dans mon nez bouché, c’est horrible, j’ai l’impression d’avoir les tympans qui gonflent et qu’il y a des petites bulles d’eau, ça fait encore plus mal. Il me faut 20 bonnes minutes avant d’entendre à nouveau convenablement mais je suis sûre qu’elles se déboucheront complètement dans quelques jours.
En conclusion, j’ai un mix de sensation assez étrange. Je suis très fière de l’avoir fait mais dans un sens il y a quelque chose qui me déçoit un peu. Je m’attendais à plus, plus de sensation, plus d’émotion.
Le slogan choc d’une des compagnies de skydive néo-zélandaise c’est « la peur est temporaire, l’achèvement est permanant…. »
Je n’ai pas l’impression d’avoir achevé quoi que ce soit. Ou peut-être que si, c’est bizarre je n’arrive pas à dire.
Je pensais que le temps allait se dilater, que les quelques secondes assise au bord de l’avion allaient être les plus longues de ma vie, que la chute libre d’une minute allait durer une éternité. Mais c’est l’inverse qui s’est produit, j’ai eu l’impression que le temps s’est rétracté. Même dans l’avion, les 15-20 minutes sont passées comme 10.
Je pensais que j’allais avoir tellement peur que j’aurai envie de pisser ou que je me sentirai proche de l’évanouissement comme ça m’arrive parfois quand j’ai le vertige, mais non. Je devais pourtant être stressée mais ce n’était pas le stress qui fait mal au ventre ou le stress de veille de départ ou d’exam. Mon cerveau a eu tellement à gérer qu’il n’a pas fait un blackout mais les souvenirs des premières secondes sont très confus.
En tout cas, au moment de sauter je n’ai pas eu la pensée « est-ce que je suis bien accrochée ? », je le savais, je le sentais.
Seb me dit qu’il a l’impression que je n’ai pas apprécié le saut et quand une fille m’a demandé sur le chemin du retour si ça m’avait donné envie d’en refaire un autre, j’ai répondu non. J’étais contente de l’avoir fait mais ça ne m’a pas procuré l’excitement que ressente certain. Je ne suis définitivement pas une adepte des sensations extrêmes.
Mais maintenant que quelques heures ont passé, je me dis qu’en fait ce serait bien d’un faire un autre un jour, car maintenant que je sais à quoi m’attendre, j’apprécierai certainement plus la vue et la chute libre. Il doit y avoir moyen de faire des trucs marrant pendant cette chute libre… puisqu’on est libre !